Violence contre les soignants : 44 propositions

Rédigé le Samedi 24 Juin 2023 à 20:25 |



C'est un rapport qui tombe à point nommé dans le contexte actuel de violences à l’encontre des professionnels de santé. Le ministre de la santé François Braun s’est vu remettre le 9 juin un rapport sur les violences envers les professionnels de santé, contenant 44 propositions. De fait, le rapport avait été commandé en janvier dernier à Nathalie Nion, cadre de santé, et au Dr Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins.

Ce document s'appuie sur des auditions menées pendant un peu moins de quatre mois auprès de 80 personnalités. Il comprend notamment des mesures en faveur du développement de dispositifs d’alerte, de renforcement de la réponse pénale et d’accompagnement des victimes.
Montée de la violence en France

En préambule, les auteurs de cette étude rappellent que les violences exercées contre les soignants s'inscrivent dans le cadre d'une montée en puissance globale de la conflictualité au sein de notre société : « Les difficultés auxquelles notre société fait face sont devenues systémiques, permanentes : crises économiques, problèmes de pouvoir d’achat ; changements sociétaux, crise identitaire et risque communautariste ; précarité sociale, culturelle, éducative, affective ; carences voire violences intrafamiliales ; problèmes de sécurité intérieure ; changement climatique, enjeux écologiques, alimentaires et problèmes de mobilité, conflits armés à l’échelle du monde... ».
Soignants deux fois plus touchés

Mais les soignants, selon une enquête menée en février 2023, sont deux fois plus nombreux que l'ensemble de la population active « à subir des incivilités et des violences physiques ou verbales ». A savoir, « 37% des professionnels de santé hospitaliers disent subir régulièrement des agressions physiques et ce chiffre s’élève à 84% pour les aides-soignants, selon le baromètre MNH-Odoxa 2022. »

Il existe donc une spécificité des professions soignantes qu'il convient de prendre en compte. Les pouvoirs publics en ont pris conscience dès 1983 en « chargeant les collectivités publiques de la protection fonctionnelle de leurs fonctionnaires [...]. En 2021, des dispositions vont même jusqu'à permettre au directeur d'un établissement de santé de déposer plainte dans un cadre spécifique ».

 

Ces mesures législatives ont été accompagnées d'incitation à la mise en place de politique de prévention dans les établissements de santé, de la création en 2005 d'un observatoire national de la violence en milieu hospitalier (ONVH), devenu l'observatoire national des violences en santé (ONVS).
44 propositions

Pour répondre à ces violences, la mission a donc formulé 44 propositions, qui suivent six thématiques :

« - Agir sur les déterminants des violences

-Acculturer les professionnels

- Mieux objectiver les faits de violences internes et externes

- Accompagner et soutenir les victimes

- Préparer les futurs professionnels

- Communiquer auprès de tous les acteurs. »

Sur les 44 propositions, plusieurs ont retenu l'attention de François Braun, ministre de la Santé, et d'Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territorial et des professions de santé :

« Le déploiement de dispositifs d’alerte portatifs pour les professionnels exerçant de façon isolée ;

La formation initiale et continue des soignants et des personnels d’accueil pour mieux gérer l’agressivité éventuelle de leurs interlocuteurs ;

L’amélioration de la réponse pénale face aux menaces et aux agressions qu’ils subissent ;

Un meilleur accompagnement des victimes dans leurs démarches judiciaires. »
Déployer des dispositifs d'alerte

À propos des dispositifs d'alerte, les auteurs détaillent ce dont il en retourne : « À l’instar de ceux existants pour les femmes victimes de violences conjugales, des applications sur Smartphone, des dispositifs connectés et géolocalisés portés ou dissimulés (type bracelets, bijoux… qui ne nécessitent pas de se saisir d’un téléphone, ce qui n’est pas toujours possible) d’appel au secours ou tout autre moyen d’alerte doivent être accessibles aux professionnels exerçant dans des secteurs, zones ou dans des créneaux horaires plus à risque (professionnels de la nuit, médecins de garde en MMG ou médecins effecteurs mobiles en visite à domicile). Certains dispositifs proposent même un enregistrement audio des propos, ce qui est particulièrement important pour apporter la preuve de violences verbales. »
Renforcer la réponse pénale

En matière de réponse pénale, les rapporteurs souhaitent que le directeur d'un établissement puisse se constituer partie civile « en cas de menace ou de violence commise en raison de l'appartenance des employés à cet établissement ». Ils proposent également d'aggraver la peine pour vols « commis dans un lieu où serait prodigué des soins », mais aussi les peines qui entrainent plus de 8 jours d'ITT lorsqu'elles sont commises dans des lieux de soins, de faire en sorte que les professionnels de santé libéraux soient considérés comme porteurs de missions de service public, afin qu'ils puissent bénéficier des dispositions de protection pénales. D'autre mesures concernent un durcissement de la législation en cas de mise en péril d'un mineur dans un établissement de santé (stupéfiants, alcool...) ou encore la prévention contre les infractions sexuelles, comme « la consultation du casier judiciaire B2 pour tout recrutement, soignants ou non ».
Accompagnement systématique pour la prise de plainte

La mission propose aussi de « rappeler dans une circulaire interministérielle (santé-intérieur) aux établissements de santé, aux forces de sécurité intérieure les éléments essentiels des « conventions santé-sécurité-justice » : accompagnement systématique des personnels pour la prise de plainte après fixation d’un rendez-vous dans les services de Police et unités de Gendarmerie. Le ministère de la santé devrait faire connaitre son plan de prévention des violences contre les soignants en juillet prochain.

Violences en santé : les infirmières principalement agressées

L'observatoire national des violences en santé a publié des données sur les violences subies par les professionnels de santé : en milieu hospitalier, la moitié de ces agressions touchent les infirmières (47%) alors que les médecins sont beaucoup moins visés (8%). Les trois quarts de ces violences portent sur des femmes et le secteur de la psychiatrie est le plus touché (22%), « suivi des USLD/EHPAD (13%) et les services d’urgence (12%) ».En ville, les « médecins victimes sont principalement des généralistes (71% en 2022). Les spécialistes les plus touchés en 2021 étaient les cardiologues et les psychiatres. Les médecins étaient pour 56% des femmes en 2022 (versus un ratio femme/homme de 1 dans la population de médecins) ». Les conséquences de ces agressions peuvent être graves : blessures physiques et psychologiques, diminution de la qualité des soins, perte de confiance des professionnels de santé, détérioration du climat de travail.

Cet article a été écrit par Jacques Cofard et initialement publié sur Medscape.