Cas d’hépatite infantile d’origine inconnue : sur la piste d’un adénovirus

Rédigé le Mercredi 4 Mai 2022 à 16:33 |



Cas d’hépatite infantile d’origine inconnue : sur la piste d’un adénovirus

Après la survenue de plus d’une centaine de cas d’hépatites d’origine inconnue survenus essentiellement chez de jeunes enfants en Europe, le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies(ECDC) a publié un rapport synthétisant les données actuellement disponibles [1]. En parallèle, les CDC font part des premières hypothèses concernant l’implication possible d’un adénovirus de type 41 chez les quelques cas retrouvés aux Etats-Unis [2]. L’Organisation mondiale de la santé s’est, elle aussi, prononcé sur cette étrange épidémie et appelle à la surveillance des cas, susceptibles d’augmenter dans les semaines à venir [3].

Des hépatites aiguës dont la cause exacte est inconnue

Le 27 avril dernier, 55 cas étaient recensés par le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC) sur le territoire européen au sens large. En sachant que des cas ont été signalés dans le monde entier, aux Etats-Unis notamment, et de façon plus sporadique au Canada, en Israël, et au Japon (voir encadré). En France, deux cas d’hépatite aiguë dont l’étiologie est encore indéterminée ont été signalés par le CHU de Lyon », indique le 19 avril dernier Santé publique France (SPF).

Cette curieuse épidémie a fait l’objet d’un rapport de l’ECDC, en fin de semaine dernière, qui synthétise le contexte, les investigations épidémiologiques menées jusqu’à présent et les options en termes de réponse car jusqu’à présent « la cause exacte de ces hépatites reste inconnue ».

Rappelons que les examens en cours, conduits notamment au Royaume-Uni, pays qui connait le plus de cas, excluent s’il s’agisse d’une hépatite de type A, B, C, D et E. Aussi, les enfants atteints au Royaume-Uni n’ayant pas été vaccinés contre le covid, la piste vaccinale est écartée. Seul indice pour le moment : un grand nombre de cas outre-Manche ont été testés positifs à l’adénovirus, ce qui constitue une piste sans toutefois exclure d’autres causes possibles.

L’ECDC considère que « l’incidence de ces cas reste faible en Europe», mais reconnait qu’«aucune surveillance systématique n’a été mise en place ». Et comme l’agent à l’origine de ces hépatites reste non identifié, « le risque dans la population pédiatrique européenne est lui aussi mal évalué ».

La piste de l’adénovirus 41

L’hypothèse de travail en vigueur en Europe serait que chez les jeunes enfants atteints d’une infection à adénovirus, laquelle serait d’intensité légère dans des circonstances normales, un cofacteur déclenche une infection ou une atteinte hépatique médiée par l’immunité plus intense.

Outre-Atlantique, où l’épidémie sévit aussi, avec, en particulier, un cluster de 9 cas en Alabama chez des enfants de 1 à 6 ans, les investigations sont en cours. Les chercheurs ont aussi retrouvé que certains présentaient de l’adénovirus de type 41, qui est couramment impliqué dans les gastroentérites aiguës pédiatriques et est associé à des symptômes de type diarrhées, vomissements et fièvre, s’accompagnant de signes respiratoires [2]. C’est l’une des pistes suivies actuellement.

« S’il était prouvé qu‘un tel adénovirus est bien la cause ou un agent contributeur de la maladie, d’autres cas similaires d’hépatites devraient se produire en Europe. Avec une surveillance accrue, c’est ce à quoi nous nous attendons », prédit l’ECDC.

La question de l'épidémie des hépatites pédiatriques a été abordée lors du congrès annuel de l'ECCMID  où la piste de l’adénovirus semble être la plus avancée. Le Dr Benjamin Davido (infectiologue, Garches) et le Dr Guillaume Béraud (infectiologue, CHU de Poitiers) ont échangé sur cette problématique pour Medscape.

On ne peut exclure que « beaucoup de formes pauci-symptomatiques et extrêmement bénignes passent sous les radars », a indiqué le Dr Davido. De son point de vue, c'est probablement grâce à la crise Covid, et c’est « remarquable », que l'on détecte de façon plus rapide ce type d'épidémie.

Pour le Dr Guillaume Béraud (infectiologue, CHU de Poitiers), l'hypothèse la plus probable serait qu’il s’agit d’un virus « que l'on tolérait jusqu'à présent parce qu'on se l'échangeait régulièrement » mais, ayant beaucoup moins circulé suite aux confinements, il réapparaitrait de façon « un peu plus brutale ».

Surveillance accrue

Quoi qu’il en soit, une surveillance accrue est de rigueur. Et ce d’autant que certains cas d’hépatites ont nécessité une transplantation hépatique (10 % des cas selon l’OMS), un geste qui demande des structures spécialisées et qui mettrait les hôpitaux de certains pays européens en difficulté si les cas venaient à augmenter, souligne l‘ECDC.

C’est pourquoi, l’autorité sanitaire européenne, tout comme le CDC et l’OMS, encouragent les professionnels de santé à surveiller et à reporter toute hépatite suspecte chez des jeunes enfants. « Tout lien épidémiologique entre et parmi les cas peut fournir des indices pour tracker la source de la pathologie », indique l’OMS[3]. L’Organisation mondiale recommande par ailleurs que, face à un cas, « des examens soient menées sur le sang, le sérum, les urines, les fèces, des échantillons respiratoires et des biopsies hépatiques, avec caractérisation virale, y compris par séquençage. Toutes les autres causes infectieuses et non -infectieuses doivent aussi être rigoureusement investiguées », précise-t-elle.

Caractéristiques épidémiologiques au niveau mondial [3]

Au 23 avril, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) rapportait 169 cas d’hépatite aiguë d’origine inconnue se répartissant de la façon suivante : Royaume-Uni et Irlande du Nord (114), Espagne (13), Israël (12), Etats-Unis (9), Danemark (6), Irlande (<5), Pays-Bas (4), Italie (4), Norvège (2), France (2), Roumanie (1), and Belgique (1).

Les cas étaient âgés de 1 mois à 16 ans. 17 d’entre eux ont nécessité une transplantation hépatique; au moins 1 décès a été rapporté.

Un adénovirus a été détecté dans au moins 74 cas, et sur ceux pour lesquels un test moléculaire a été effectué, 18 présentaient du F type 41. Le SARS-CoV-2 a été identifié dans 20 cas de ceux qui ont été testés et 19 présentaient une co-infection SARS-CoV-2 et adénovirus.

Cet article a été écrit par Stéphanie Lavaud et initialement publié sur Medscape France.